ECCO UN NUOVO CONSIGLIO DI LETTURA CHE CI ARRIVA DALLE AMICHE DEL CERCLE DU LIVRE, VALIDISSIMO CLUB DI LETTURA IN LINGUA FRANCESE, PER TUTTI GLI AMICI FRANCOFONI DI librisottosopra.com AMANTI DEI BUONI LIBRI E DELLE BELLE PAGINE CI SEGUONO DALL'ESTERO. E, PERCHE' NO, PER I LETTORI ITALIANI APPASSIONATI DI LOUIS PHILIPPE DALEMBERT.
Cette fois-ci nous avons fait connaissance avec un deuxième écrivain d’origine haïtienne, après Dany Laferrière, Louis-Philippe Dalembert né lui aussi à Port au Prince mais en décembre 1962. Fils d’une institutrice et d’un directeur d’école. Son père étant décédé quelques mois après sa naissance, il grandit dans le quartier populaire de Bel Air entouré de femmes, mère, sœur, cousines, tantes et surtout sa grand-mère maternelle, figure particulièrement importante de son enfance. A l’âge de 6 ans, l’obligation de quitter le quartier où il a grandi lui procure une telle souffrance que ce sera le sujet de son premier roman publié en 1996 “ Le crayon du Bon Dieu n’a pas de gomme”. En 1986 il va étudier à la Sorbonne à Paris où il obtient son doctorat en littérature comparée puis un diplôme de journalisme à l’Ecole supérieure de journalisme. Par la suite, il va enseigner dans différentes universités en Europe et aux USA, voyager à travers le monde avec toujours en tête le rêve du retour au pays natal. Les années passées à Rome lui ont inspiré son dernier roman paru en 2023 “Une histoire romaine”. Écrivain d’expression française mais aussi créole, il obtient le Prix Goncourt de la poésie en 2024. En 2021, il est finaliste pour le Prix Goncourt avec le roman que nous avons lu, "Milwaukee Blues". Comme pour d’autres romans, par exemple Mur Méditerranée en 2019 s’inspirait de la tragédie d'un naufrage d'un bateau de clandestins lors de la traversée vers Lampedusa et sauvés par un pétrolier danois dans l’été 2014, ici , il part du fait divers qui a bouleversé le monde en mai 2020, le meurtre de Georges Floyd à Mineapolis au cours d’une intervention de police.
Bien évidemment, les avis des participantes n’ont pas toujours été unanimes sur tous les points que nous avons pris en considération.
La structure du roman
La première partie où les gens qui ont connu Emmett parlent de lui, le décrivent, le racontent tout en se racontant nous permet de bien connaître ce protagoniste qui est déjà mort lorsque le livre commence, ainsi que le monde et la société autour de lui. Dès le début, nous comprenons que le personnage d’Emmett est calqué sur Georges Floyd, du moins en ce qui concerne les faits, les circonstances de son arrestation et de sa mort. Cela nous est raconté par l'épicier pakistanais qui l’a dénoncé…. le faux ( peut-être) billet, l’arrivée de la police, “..je ne peux pas respirer…” . Puis c’est une de ses institutrices qui prend la parole, puis ses amis d'enfance, son coach, sa fiancée, son ex…. Chacun s’exprimant avec son propre langage, simple et argotique pour ses amis d’enfance, plus standard pour les autres mais presque toujours entremêlé de mots ou expressions en anglais/ américain. Certaines n’ont pas du tout aimé cette première partie qui ne leur a procuré aucune émotion, aucun sentiment, ce langage que la présence d’argot rendait difficile, vu même comme une offense à la langue française. D’autres au contraire ont apprécié cette fresque chorale, ce portrait d’un homme et d’une société sous différentes facettes, la versatilité et la capacité de l’auteur à se glisser dans la peau de chacune de ces personnes et à en épouser les états d'âme et le langage.
La deuxième partie consacrée à la cérémonie des obsèques d’Emmett et à la marche qui s’en est suivie a davantage intéressé. D’une part par l’intervention d’autres personnages , surtout des femmes - comme on a vu très importantes dans la vie de l’auteur - avec leurs faiblesses comme les ex de Emmett qui fuient devant les difficultés ou bien avec leur force et leur courage, comme sa mère, qui parvient à élever son fils avec de sains principes malgré l’abandon du père, comme Authie, la fidèle amie d’enfance, sans oublier Nancy, la courageuse fiancée blanche. Mais, les personnages féminins qui dominent sont, je crois, Ma- Robinson, cette gardienne de prison devenue pasteure, un “sacré” personnage !!!. L’honnêteté, l’exigence de cette femme, la force, la passion, la générosité et l’enthousiasme qu’elle met dans tout ce qu’elle fait nous ont conquises. De même que la jeune Marie Hélène,étudiante d’origine haïtienne, engagée aux côtés de Ma-Robinson et son fiancé Dan, d’origine juive, rastas et végétarien. Tous deux engagés à fond dans ces événements baignés de racisme, d’indifférence et d’intolérance qui venaient pour la énième fois endeuiller la communauté. D’autre part parce que ces pages, non seulement nous rafraîchissent la mémoire, nous font réfléchir sur l’histoire de l’esclavage d’abord, de la ségrégation ensuite et du racisme et de la violence dont il semble que la société américaine ne parvienne pas à se libérer.
Une note à part: le chapitre intitulé Le Ma-Robinson show
( p. 247 à 255) En particulier son prêche assimilé à celui de Martin Luther King et son “ I have a dream “.Une dizaine de pages qui pourraient entrer dans une anthologie et faire l'objet d’un cours dans un collège ou lycée: .” Elle mêla les anecdotes aux citations bibliques…” “ ça ne suffit pas de ne pas être raciste, il faut être antiraciste”; elle s’adresse aux blancs qui participent à la cérémonie :” Nous vivons dans un pays où celles et ceux comme moi ont été dès le départ du côté des dominés depuis la cale du bateau négrier jusqu’à aujourd’hui, en passant par les champs de coton et le temps amer de la ségrégation. Vous êtes par la force du côté des privilégiés…” et elle les remercient de leur présence “ Vous avez compris, mieux, vous avez senti …..que nous avons besoin de solidarité pour que ça cesse et vous nous avez tendu la main…..vous avez senti que vous ne serez pas en sécurité si vos frères et vos soeurs ne le sont pas…..Ce faisant, vous admettez qu’il n’y a qu’une seule et unique communauté. Et elle est humaine” “ Vous avez réagi en tant qu'êtres humains. Et cela vous honore. Au nom de cette grande communauté humaine, la seule que j' accepte et que je reconnaisse, je dis merci.” Puis elle les invite à “ ne pas verser dans la provocation gratuite” Après une digression intéressante au sujet des mots utilisés “Ne vous laissez pas enfermer dans ce beau vocable d’Africain-Étasunien avec lequel, j’avoue, j’ai parfois du mal. D’ailleurs, pourquoi “africain”, les autres s’appellent-ils “Européens-Etasuniens”..La vérité, c’est que, derrière ce qualificatif certains pensent encore au bon vieux nègre, qu’ils n’osent pas nommer Ou à l’édulcorant “gens de couleur” du temps de la ségrégation, qui leur échappe parfois. Comme si eux-mêmes étaient incolores ou étaient couleur lumière “.
Nous avons été intéressées aussi par le chapitre intitulé Des genres et des couleurs , le seul qui donne la parole à l’officier Gordon, responsable de la mort d’Emmett. (p.219 - 230). On l’entend se débattre avec sa conscience pour tenter de se justifier: il n’était pas tout seul ce jour-là….. ce n’était pas la première fois…. il y a aussi des policiers noirs et des victimes blanches…. donc ce n’est pas du racisme…. si on leur enseigne ces techniques de neutralisation, c’est bien pour les utiliser…. il n’a fait qu’obéir à des ordres… peut-être que le noir simulait….qu’il était déjà malade….de toutes façons ce sont tous des fainéants qui ne veulent pas travailler...etc… On le voit cloîtré dans son pavillon, abandonné par sa famille et sa hiérarchie pour être finalement inculpé d’homicide volontaire et mis en détention préventive. Justice est faite???
En apparence peut-être. Mais le lecteur n’est pas dupe; il sait très bien que le soliloque de Gordon qui contrebalance les points de vue est porteur des thèses du suprématisme blanc.
Le vrai protagoniste de ce roman?
C’est peut-être bien cette société américaine compliquée et pleine de contradictions que parfois, nous européens regardons avec admiration, comme un modèle . Cela fait de ce roman un roman original, particulier, pas européen mais certainement dépaysant . Emmett est un peu le symbole du rêve américain : la vie lui a donné une opportunité mais voilà, l’accident de trop, l’erreur d’évaluation et c’est la dégringolade, la perte de tout jusqu'à la dignité et la vie même.
Il faut aussi remarquer que ce livre est nourri de musique, de littérature et d’histoire et d’actualité. Pour ce qui est de la musique, en fond sonore nous avons Alabama Blues où il est question d’un policier blanc qui a tué un frère et une soeur noirs en Alabama, blues préféré du père d’Emmett, Amazing grace bouleversante pour ceux qui croyaient au ciel comme pour ceux qui n’y croyaient pas pendant les osbsèques d’Emmet et puis les chansons de Bob Dylan et de Bob Marley pendant la marche.
Pour la littérature une allusion à l’albatros.de Baudelaire en rapport avec “la grande carcasse d’Emmett qui semblait l’incommoder “ tout comme les ailes de géant de l’oiseau du poète. Des écrivains à nous inconnus mais qui mériteraient de l'être: la haïtienne Marie-Vieux Chauvet, voix libre et résistante du drame haïtien ainsi que son compatriote Jacques Roumain dont Dalembert nous transcrit le vibrant poème “Sale nègre” slamé lors de la cérémonie (p.214-215) et enfin “ A l’arrivée, le clou des lectures fut la déclamation de l’”Elégie à Emmett Till”, un poème du Cubain Nicolas Guillén….L’adolescent dont il est question était aussi originaire de Chicago. Descendu passer les vacances d’été chez son oncle, dans le Mississippi en 1955, il fut kidnappé par des blancs armés, torturé et assassiné. Son corps mutilé fut retrouvé 3 jours plus tard dans une rivière. Il avait 14 ans et ses meurtriers furent acquittés par les jurés blancs avec la complicité du shérif.”
Par-ci par-là quelques pilules qui viennent nous rappeler les années 70, la guerre du Viêt-Nam, la ségrégation, parsemées de noms évocateurs,alors porteurs d’espoir comme Angela Davis, Martin Luther King et même sans jamais le nommer, ce cher Trump “le polichinelle à la moumoute” ( p.160).
En conclusion
Nous nous sommes quittées sur une question: la fin est-elle optimiste ou pessimiste? Je crois avoir été la seule à lire dans ce dernier chapitre intitulé Le jour viendra quelques bribes d’optimisme. Le verbe au futur me laissait bien espérer. Il est vrai que la marche se termine par un échec “ La suite funeste de la marche pacifique en hommage à Emmett”, l’affrontement violent des deux groupes, les pacifistes guidés par Ma-Robinson d’un côté du pont et les activistes blancs hostiles, armés regroupés sur l’autre rive du Milwaukee. “ Les événements de Milwaukee durèrent pas moins de 3 jours et 3 nuits”. Pour la énième fois, nous assistons, malgré les prémices pleines d’optimisme, à l’effondrement d’un rêve, non. seulement le rêve d’Emmett mais celui de tous ceux qui voyaient dans cet événement une possibilité de changer les mentalités.
Cependant, “Longtemps après…” (avant dernière page) et les verbes qui suivent sont au conditionnel auquel on peut donner la valeur de futur dans le passé. Certains ne seront plus de ce monde mais Dan et Marie Hélène “ en parleraient à leurs petits-enfants, qui seraient d’abord des êtres humains, avant que des Étasuniens, juifs, Haïtiens, noirs, blancs… peut-être évoqueraient-ils ensemble les événements de Milwaukee comme d’une époque vraiment révolue”
Je voudrais conclure sur cette note d'optimisme. (M.R.)
Louis-Philippe Dalembert - Milwaukee blues - Sabine Wespieser Editeur
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